Radio J : La chronique hebdo de Simone Rodan-Benzaquen dans le Grand Journal du 8 avril 2022. Thème : l’Ukraine, un grand Israël ?

Mardi dernier, le président ukrainien Volodomyr Zelensky a déclaré que, lorsque la guerre sera enfin terminée, l'Ukraine sera un grand Israël et non la Suisse.

« Je pense que tout notre peuple sera notre grande armée. » a-t-il déclaré

"Nous ne serons pas surpris d'avoir des représentants des forces armées ou de la Garde nationale dans toutes les institutions, dans les supermarchés, dans les cinémas, il y aura des gens avec des armes, partout. Je suis sûr que notre

sécurité sera le problème numéro un dans les dix prochaines années", a-t-il dit.

Cette déclaration du Président Zelensky sonne d’autant plus vraie aujourd’hui, le lendemain de l’attentat terroriste à Tel Aviv qui aura coûté la vie de deux personnes et blessé 16 autres.

Car oui, ce que le président Zelensky a certainement voulu dire est qu’il sait qu’avec un voisin comme la Russie, avec des idéologies comme celle promue actuellement par Vladimir Poutine, pour qui les Ukrainiens ne sont pas des êtres humains mais des « nazis », pour qui l’Ukraine n’a pas le droit d’exister - la guerre ne sera jamais vraiment terminée.

Ce qu’il a voulu dire c’est que comme Israël, l'Ukraine sera sur un pied de guerre permanent, et, comme Israël, cela changera l’Ukraine pour des années à venir. Il sait que cela changera l’esprit ukrainien, un esprit jamais vraiment tranquille, qui sait que son ennemi est prêt à l’attaquer à n’importe quel moment.

Et il sait, que comme Israël, l’Ukraine devra être forte, qu’elle ne mettra plus son destin dans les mains d’un autre, qu’elle ne comptera surtout sur elle-même. Elle ne comptera ni sur l’Europe, ni sur les États Unis, ni sur l’OTAN, ni sur la communauté internationale. Elle comptera sur son peuple et sa propre armée. Cela ne veut pas dire qu’elle ne créera pas d’alliances, qu’elle sera peut-être même intégrée- on peut l’espérer- dans l’Union européenne, qu’elle ne fera pas partie d’organisations multilatérales- mais elle sait malgré tout une chose que d’autres nations ne savent pas- parce qu’elles ne l’ont pas vécu. Tout comme Israël, l’Ukraine n'obéira qu'à un seul impératif: assurer la sécurité de son propre peuple.

Tout comme Israël, Zelensky sait aussi et il l’a par ailleurs précisé- que l’Ukraine puisera ses forces dans les valeurs démocratiques. "Un État autoritaire perdrait face à la Russie", a-t-il dit. "Les gens savent pour quoi ils se battent". Il sait donc, que comme Israël, l’Ukraine puisera ses forces dans la liberté de son peuple, parfois mue par ce que les Israéliens ont bien connu dans leur histoire : “l’énergie du désespoir”.

Mais tout comme Israël, Zelensky sait aussi que l’horreur peut frapper à n’importe quel moment, dans des restaurants, des cafés bondés, qu’elle frappera au cœur de la vie, que tout recommencera souvent, pendant longtemps et que cela forgera l’esprit ukrainien, probablement pour toujours.

Comme Israël, l’Ukraine sera certainement mal comprise, les autres nations ne comprendront pas que ce qu’elle souhaite n’est pas la mort de l’autre mais la protection des siens.

Et tout comme Israël, l’Ukraine pleurera ses morts, souvent, trop.

Mais Zelensky sait aussi que tout comme les israéliens, les ukrainiens ne seront jamais vaincus, car leur envie de vivre, leur courage et leur détermination, seront toujours plus forts que la haine et l’envie de destruction de leurs ennemis.