Auschwitz avec des personnalités musulmanes du Proche-Orient

 

Simone Rodan- Benzaquen2 février 2011

“ Plus jamais “. Voilà la phrase avec laquelle j’ai grandi, moi,  juive née en Allemagne.

Plus jamais un peuple ne sera systématiquement anéanti à cause de sa race, son origine, ses croyances ou sa religion. Plus jamais une dictature telle que fut l’Allemagne nazie ne sèmera le chaos et ne détruira un continent entier, et au bout du compte, le monde entier. Plus jamais l’humanité ne montrera son côté le plus sombre. Plus jamais…

Ma détermination à garantir ce “plus jamais” a guidé tous les choix de ma vie : combattre l’antisémitisme et le racisme, lutter pour la paix et pour la sécurité des Juifs à travers le monde et en Israël ; me battre pour les droits humains et le pluralisme ; agir en faveur du peuple du Darfour. C’est pour toutes ces raisons que  j’ai rejoins AJC, cette organisation vieille d’un siècle qui se bat contre l’antisémitisme, le racisme  en promouvant les droits de l’Homme et le pluralisme.

Mais une question a hanté ma génération toutes ces années : comment pouvons-nous être sûrs que l’histoire ne se répète pas ?

Lundi  1er février 2011, j’ai observé un semblant d’espoir,  répondant peut-être un peu à cette question compliquée. En tant que représentante d’AJC à Paris, et ayant coopéré à maintes reprises avec les organisateurs, j’ai eu le privilège d’accompagner une délégation de plus de 150 dignitaires venant du Maroc, de Jordanie, du Turquie, des territoires Palestiniens et d’Irak – chrétiens et musulmans- pour nous rendre à  Auschwitz-Birkenau, l’ancien camp d’extermination nazi en compagnie de survivants juifs venus de divers pays d’Europe.

Quelques importants dignitaires européens se sont également joints à nous, dont le Maire de Paris Bertrand Delanoë, la Directrice Générale de l’UNESCO Irina Bokova et l’ex-chancelier allemand Gerhard Schroeder. C’est en coopération avec l’UNESCO et la Mairie de Paris, que le projet Aladin, cette importante organisation qui vise à tisser des liens entre Juifs et Musulmans en enseignant le Holocauste au monde musulman, a pu monter avec succès ce voyage particulier.

Ce voyage a eu lieu à un moment où la négation de la Shoah est particulièrement répandue dans le monde musulman, à l’instar des discours du Président Mahmoud Ahmadinejad. La présence au sein de la délégation de Karim Lahidji, chef de la Ligue Iranienne des Droits de l’Homme, a donc été un symbole important. Un des participants musulmans dira à la fin de son propos : “ Nier les négationnistes est un objectif crucial“.

Visiter les camps, sentir et voir la destruction industrielle de la quasi-totalité d’un peuple, est une étape essentielle pour que tous les hommes, quelles que soient leur religion, leur culture ou leur milieu, puissent en mesurer toute l’horreur et, peut-être, réveiller nos consciences.

L’un des participants, le Mufti britannique Abduljalil Saijd, m’a expliqué pourquoi cette expérience était si importante pour lui. “ J‘ai évidemment lu sur l’Holocauste, mais je ne pouvais pas m’imaginer que ce serait tout ce que j’ai vu ici. Il est très important pour moi d’appréhender de mes propres yeux ce qu’était l’Holocauste – et de l’enseigner aux autres, spécialement aux membres de ma communauté “. Et il a rajouté : “ Cela ne devra plus jamais se reproduire, sur personne. “
Dans un monde de désarroi et de bouleversements économiques qui ont pour conséquence l’intolérance, le sectarisme et l’antisémitisme, la délégation nous a envoyé un message pour l’avenir, un message rempli d’espoir, de dialogue et de compréhension. Comme l’a dit le Cardinal Vingt-Trois durant la cérémonie de mémoire : “ Le bon côté de ce projet est de permettre aux personnalités des trois religions monothéistes de se rassembler sur le lieu où les Juifs furent exterminés. “

L’Humanité doit comprendre les démons qu’elle peut engendrer et les atrocités qu’elle peut être capable de perpétrer. Cette visite, à son échelle, a été une étape importante dans l’objectif long, délicat et difficile des organisateurs. Voici les mots d’un survivant de l’Holocauste : “ Nous sommes ici à l’épicentre de la plus grande catastrophe. Venir en ces lieux est le moyen le plus sûr de prévenir le révisionnisme, de comprendre, de témoigner, de dire la vérité et de répandre notre message au monde entier : Plus jamais ! “