Midterm elections 2022 aux résultats inattendus

Je vous parlerai aujourd’hui des élections américaines à mi-mandat, peut-être les plus attendues et les plus controversées depuis des décennies, et qui ont surpris un grand nombre d’observateurs et commentateurs.

Pensez d’abord au contexte dans lequel les Américains se sont rendus à leur bureau de vote le 8 novembre : Un président, Joe Biden, avec un taux d'approbation de 41%. La pire vague de criminalité depuis des décennies. La pire inflation depuis plus de 40 ans. Des Américains qui, sondage après sondage, expriment une profonde insatisfaction quant à la direction que prend le pays après une pandémie qui l'a paralysé.

Et pourtant, les républicains ont perdu leur pari. Ils n’ont pas gagné le Sénat et même s’ils ont gagné la Chambre des représentants, la marge est bien plus faible que ce que les sondages leur prédisaient.

Une raison à cela me semble être que les républicains ont présenté un grand nombre de candidats radicaux qui ont nié ou remis en question les résultats de l'élection de 2020 et, dans de nombreux cas, ont adhéré à d'autres théories de complot. Une partie importante de ces candidats ont échoué dans les urnes.

Doug Mastriano, qui s'est présenté au poste de gouverneur en Pennsylvanie et a utilisé le réseau social extrémiste Gab pour sa campagne par exemple, a perdu de manière décisive face à un juif pratiquant; Josh Shapiro.

Les Américains semblent, malgré l’extrême polarisation du pays, avoir une certaine préférence pour la modération lorsqu'elle est proposée. C'est ce que prouve l'augmentation remarquable du vote par panachage. Lorsqu'on présente aux électeurs un candidat républicain modéré pour un poste et un républicain extrême pour un autre poste au niveau de l'État, un nombre important d'Américains choisissent de soutenir le premier. L'exemple le plus criant est sans doute le contraste entre Brian Kemp, qui a facilement remporté sa course au poste de gouverneur de Géorgie, un républicain modéré, et Herschel Walker, bien plus extrême, qui est en ballotage pour sa course au Sénat dans le même État.

Il est vrai aussi qu’un certain nombre de républicains, plutôt sur une ligne dure, ont malgré tout gagné. En soi ce n'est pas vraiment surprenant, étant donné la centralité de la théorie selon laquelle les élections présidentielles auraient été volées en 2021, pour le parti républicain. C'est aussi pourquoi des personnalités telles que Majorie Taylor Greene, considérées comme toxiques il n'y a pas si longtemps, ont réussi à se faire réélire et sont désormais fermement ancrées dans le parti. Mais encore une fois, on aurait pu s’attendre à bien pire.

De la même manière, les candidats de la gauche de la gauche américaine, dite (abusivement) progressiste, ont obtenu de bons résultats lors de ces élections, avec de nouveaux arrivants comme en Floride, dans l’Illinois ou encore au Texas, mais certainement beaucoup moins que ce que l’on aurait pu penser.

Mais il y a une deuxième raison à la modération, c’est nous, les femmes.

Au lendemain de la décision qui a abrogé Roe v. Wade et supprimé les droits nationaux à l'avortement, toutes sortes de prévisions ont été faites sur le fait que l'avortement influencerait cette élection, voire la déterminerait. Puis ce récit a totalement disparu. Les sondeurs nous ont dit que l'avortement venait après l'inflation, l'économie, la criminalité et l'immigration.

L’élection des midterms a prouvé que c'était faux. Les sondages à la sortie des urnes ont montré que l'avortement se classait juste derrière l'économie pour de nombreux électeurs. Et les référendums sur le droit à l'avortement - qui étaient en jeu en Californie, au Kentucky, au Vermont et au Michigan - ont gagné partout. En cela, les électeurs américains ont rejoint l’opinion de l’opinion juive prédominante majoritairement favorable au droit à l’avortement.

Enfin, l’autre enseignement de cette élection est une certaine dépolarisation raciale de l'électorat. Les démocrates ont gagné dans certaines banlieues défavorisées blanches et les républicains ont progressé dans les zones à majorité minoritaire, remportant même une majorité stupéfiante à Miami-Dade. Connaître la couleur et l’identité « raciale » d'un électeur est donc de moins en moins utile pour prédire son vote et je dirais que c'est plutôt une excellente nouvelle pour l'Amérique.

Enfin, pour conclure, en regardant vers les élections présidentielles de 2024, la question ne me semble donc pas d’être si les républicains ou les démocrates gagneront- mais QUI sera le candidat pour chacun des partis. Il y a une bataille interne, entre les franges les plus radicales et modérées de chaque côté.

C’est pourquoi le message envoyé par le peuple américain de ces élections est important: les Américains préfèrent la modération. Une grande partie a peut-être compris que c’est une des clés pour une démocratie apaisée.

Et peut-être devrions aussi remercier les peuples Iraniens et les ukrainiens pour cela. Leur bataille contre les dictateurs meurtriers est un rappel utile pour les américains (et nous européens) que la démocratie est un bien précieux, qu’il faut continuer à chérir et préserver. Espérons que ce message de modération et de démocratie sera entendu par les deux partis politiques…