Pourquoi le Hezbollah combat-il en Syrie ?

Pourquoi le Hezbollah combat-il en Syrie ?  Pourquoi un tel groupe de résistance populaire a t-il décidé de risquer sa réputation dans le monde arabe ? Pourquoi a-t-il décidé de rejoindre le front pour soutenir le président syrien Bachar al-Assad, qui même lui, ne sait pas s’il va pouvoir conserver son fauteuil pour une année supplémentaire ?

Qu’est-ce qui a poussé Sayyed Hassan Nasrallah, célèbre pour ses prises de position et qui a averti à plusieurs reprises du risque de la Fitna (le mot arabe pour la confrontation sectaire), à s’immiscer dans le bourbier syrien ?

Le Hezbollah a ses raisons mais préfère ne pas en parler dans les médias. Selon les milieux proches de l’organisation, l’implication du Hezbollah en Syrie n’était pas un choix, mais une obligation.

Ces sources disent qu’au début du soulèvement syrien, le leader charismatique du groupe, Hassan Nasralla, « a essayé de proposer une solution. » Lui et d’autres factions comme le Hamas ont établi une ligne directe avec les dirigeants syriens pour s’assurer que  » la nation syrienne, son peuple et ses institutions politiques pourraient survivre à la crise. »

Ce fut le premier niveau d’implication qui a conduit Nasrallah « à négocier avec Assad à propos de la libération des prisonniers politiques,  à propos des réformes à entreprendre et de la nécessité de changer la mentalité de la police et des services de renseignements.» Une de nos sources a même révélé qu’en août 2011, le Ministre iranien des Affaires étrangères, Hussein Cheikh al-Islam, s’était rendu à Damas et avait remis au Président une liste de « 125 remarques sur la façon dont le régime syrien gérait la crise ; remarques qui s’avéraient toute négatives. »

A cette époque, il était déjà évident que des miliciens armés avaient franchi les frontières du Liban pour se rendre en Syrie, un fait prouvé par des témoignages et des journalistes qui couvraient séparément les deux pays frontières. « Le Hezbollah a finalement voulu cette crise. Pour lui, la Syrie, dans son ensemble, signifie la cour de la résistance», a déclaré notre source. Il a ajouté : « Le Hezbollah savait que le régime était dépassé et que les gens avaient besoin d’un changement, surtout après les révolutions tunisienne et égyptienne. Cependant, s’il pensait qu’un changement devait être effectué, il devait l’être à travers le régime et non pas en le renversant. »

« Le régime de Bashar Al Assad a aidé le Hezbollah quand toute le monde complotait contre lui.  Pendant la guerre de 2006, il a ouvert ses frontières pour le trafic d’armes et a même donné au Hezbollah des missiles stratégiques.»  C’est le discours que le Hezbollah continue à clamer pour justifier sa position aux côtés de Bashar Al Assad.  « Le Hezbollah estime que toute la guerre contre Bachar al-Assad est le résultat de son soutien à la résistance : au Hezbollah et au Hamas en particulier » a déclaré notre source qui accuse le Hamas d’avoir trahi ceux qui l’ont nourri et hébergé. « Ils n’ont même pas pensé à prendre une position médiane, ils sont allés dans les extrêmes, laissant Damas au Qatar, envoyant leurs membres en Syrie pour combattre avec le régime d’Assad avec des armes que ces derniers, l’Iran et le Hezbollah ont passées en contrebande par Gaza.» Le Hamas continue de nier ces allégations, soutenant qu’il n’a pas de membres qui combattent en Syrie, mais il a été révélé en décembre 2012 qu’un haut responsable du Hamas, Mohammed Konayta, fut tué à Idlib en prenant part à une attaque contre une base militaire.

Selon nos sources, le Hezbollah a décidé d’intervenir militairement à cause de trois incidents.

« Le premier était une attaque menée à grande échelle par les rebelles syriens sur des villages chiites aux frontières avec le Liban qui a forcé les gens à fuir au Liban. Le second était l’attaque menée sur le quartier de Sayyida Zaynab à Damas où demeure le tombeau de la petite-fille Zaynab du Prophète Mahomet et le troisième est une attaque des rebelles syriens sur un convoi armé du Hezbollah qui se trouvait sur son chemin vers le Liban. »

Après ces trois incidents, notre source pense que le Hezbollah a pris la décision de donner des armes aux villageois chiites aux frontières et de les aider à défendre leurs villages – un premier pas qui sera suivi par le déploiement de troupes dans la région pour s’assurer que les villageois soient en sécurité et protégés des rebelles syriens.

Quant au sanctuaire de Sayyida Zaynab, dans le sud de Damas, le Hezbollah jouait plus un rôle de stratège que de combattant. Un groupe de tacticiens militaires du Hezbollah ont élaboré des plans pour défendre le lieu saint et s’assurer qu’il ne serait pas détruit par des combattants salafistes.

Sur ce point, notre source explique : « Le Hezbollah sait que combattre en Syrie est une décision importante qui pourrait lui coûter beaucoup de vies, mais il sait aussi que si le sanctuaire était détruit, le coût serait encore plus cher et il serait payé partout où il y a des populations mixtes de sunnites et de chiites. Et là, nous assisterions à la véritable Fitna. Le Hezbollah ne peut pas contrôler les chiites, en colère, avides de vengeance. »

Lorsque le quartier Zaynab Sayyida a été attaqué, les chiites religieux du monde entier ont demandé à la fois au Hezbollah et à l’Iran d’intervenir. Des centaines de chiites irakiens se sont précipités vers la Syrie pour défendre le sanctuaire. Même les religieux, qui s’opposaient au Hezbollah, l’ont exhorté à faire quelque chose pour éviter de voir le site sacré chiite détruit, comme ce fut le cas dans la ville Sameraa  en Irak où un deux sanctuaires chiites ont été transformés en décombres.

« Le Hezbollah n’a pas eu besoin d’être convaincu pour agir. Il savait quoi faire et la décision a été prise de défendre le sanctuaire, quel que soit son coût » explique notre source, ajoutant : « Le Hezbollah n’est pas comme toute les autres organisations. Lorsque le Conseil de la Choura se met d’accord sur une décision, tout le monde doit s’y plier et même ceux qui ne sont pas d’accord à la base la respectent et la défendent ».

Aujourd’hui, alors que des dizaines de combattants du Hezbollah sont considérés par le parti comme des « martyrs du djihad »,  des funérailles se déroulent à travers tout le Liban de la Bekaa au sud. Le Hezbollah « honorent » ces « martyrs » sur Manar TV, sur Radio Nour et sur tous les sites et médias auxquels il a accès.  Ils ne le font pas secrètement. Il suffit de regarder, sur les pages Facebook, comment les militants pro-Hezbollah célèbrent le sacrifice de ces hommes. « Toutes les allégations de consternation dans les rangs ou dans les familles sont de la propagande diffusée par des journalistes et des médias anti-Hezbollah », a déclaré notre source, qui m’a également proposé de me mettre en contact avec les familles de certains des hommes du Hezbollah tués en Syrie.

J’ai appelé l’un d’eux au téléphone, le père d’un jeune homme de 23 ans qui a été abattu près du sanctuaire de Sayyida Zaynab. Il préfère ne pas donner son nom car le Hezbollah ne lui a pas donné l’autorisation de parler aux médias. Je lui ai posé des questions sur la mort de son fils et comment il se sentait à ce sujet. «Je suis triste», dit-il. « Très triste. Mon fils n’est plus là. Nous l’avons perdu, mais au moins nous savons qu’il est au ciel avec le Prophète Mohammed et les imams. Il défendait leur fille. » Ses derniers mots pour moi ont été : «si la guerre contre Israël est semblable à la guerre de Badr menée par le Prophète Mahomet contre ses ennemis, cette guerre est juste une autre version de la bataille de Karbala menée par l’imam Hussein. Nous ne serons pas vaincus. »

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