Lucidité, unité et fermeté face à l’Iran

par Simone Rodan-Benzaquen, Directrice AJC France

 

Le 15 Juin, dernier, le monde apprenait l’élection de M. Hassan Rouhani comme nouveau Président de la République islamique d’Iran. Dès l’annonce et même avant, au cours de sa campagne, diplomates, analystes et politiques s’empressaient de gloser sur un changement crucial et sur une nouvelle ère dans la politique iranienne. En effet, le discours inaugural du président fraîchement élu et la campagne de charme lancée à l’occasion de la 68ème Assemblée Générale de l’ONU dénotait par rapport aux propos et au programme de son prédécesseur, Mahmoud Ahmadinejad, porte étendard de la haine et du révisionnisme historique.

Quatre mois, jours pour jours après cette élection, le groupe P5 +1 (France, Angleterre, Etats Unis, Russie, Chine et Allemagne) entame de nouveau des négociations avec l’Iran sur son programme nucléaire. C’est lors de ces négociations que la communauté internationale pourra  juger si l’Iran a entamé un vrai changement de politique ou s’il s’agit d’avantage d’une énième tactique de détournement et retardement de la part des iraniens.

Pour que ces négociations aient une petite chance de réussir, le groupe P5+1 doit s’assurer de quelques principes élémentaires : Tout d’abord, se convaincre de la réalité des faits, à savoir que les sanctions de la communauté internationale ont été à l’origine de l’ouverture et l’assouplissement de la position iranienne. Ces sanctions, économiques notamment, ont effectivement mis à bout de souffle le régime iranien, qui n’a pas d’autres choix que d’essayer aujourd’hui de montrer patte blanche. Cette fermeté occidentale a donc fait ses preuves, et la brader à l’écoute de quelques propos conciliants, serait la pire des solutions. Le seul compromis  clair et acceptable par le groupe des puissances occidentales, devrait être celui qui mettrait les iraniens face à leurs obligations, à savoir d’abord de démilitariser l’arsenal nucléaire et de permettre la mise en place d’un vrai système de contrôle, avant d’exiger un relâchement des sanctions.

En outre, un calendrier court et clair devra être mis en place. Depuis plus de dix ans que les négociations ont commencé, l’Iran a usé de toutes les tactiques pour ralentir ou retarder les sanctions et avancer dans sa course à l’arme nucléaire. Une négociation mal menée pourrait aujourd’hui permettre à l’Iran d’obtenir suffisamment de matière fissile pour que son usage à terme soit dévastateur. La dispersion de ses centrifugeuses et autres capacités nucléaires est telle qu’il sera très vite impossible de retarder, sinon d’arrêter son programme d’armement nucléaire. Les analyses qui sont soumises à nos responsables politiques occidentaux sont suffisamment étayées pour montrer que l’Arabie Saoudite et d’autres voisins arabes sunnites, seraient terriblement menacés, avec le risque d’une prolifération nucléaire anarchique et irresponsable dans la région.  Il faut reconnaître que la France a de son coté continuellement montré sa détermination dans ce dossier face aux tergiversations des autorités islamiques iraniennes. Laurent Fabius, avec beaucoup de lucidité  l’a de nouveau affirmé clairement: « Nous voulons saisir au bond l’ouverture iranienne mais ne pas être dupes » ou encore »il ne faudra pas se retrouver avec des discussions qui durent pendant un an, (…), pendant ce temps-là, le nombre de centrifugeuses (…) aura été augmenté (…) « .

Enfin, si l’on veut que le message porté par la diplomatie occidentale aboutisse, et pour que soit mis un frein effectif au risque réel d’une catastrophe nucléaire, il est primordial que le groupe fasse preuve d’unité et parle d’une seule voix. Une désintégration du groupe p5+1 serait suicidaire. Dans un récent article, Steven Ditto rappelait que quatre jours après l’investiture du nouveau président iranien, le ministre des affaires étrangères Mohammed Javad Zarif publiait le programme pour son Ministère: « (Notre) tactique opérationnelle à court et moyen terme » doit comprendre un engagement à « modifier l’environnement de la sécurité mondiale » en « cassant la coordination des grandes puissances pour neutraliser les efforts américano-sioniste en vue de construire un consensus international contre l’Iran. »

La communauté internationale ne peut pas (se) laisser faire. Elle doit être lucide, ferme et unie. Seule une telle position permettrait un éventuel arrêt du programme nucléaire iranien par des moyens pacifiques.