La prime au meurtre : confronter les compensations faites aux terroristes palestiniens

Col. Dr. Eran Lerman, 16 juin 2017

Eran Lerman est l’ancien député aux politiques et affaires étrangères du Conseil de Sécurité National du cabinet du Premier Ministre israélien. Avant cela, il fut directeur du bureau de AJC à Jérusalem. 

Cela fait des années que l’Autorité Palestinienne effectue des paiements à ceux qui perpétuent des attaques terroristes contre des israéliens et leurs familles. Lors d’un entretien relativement tendu avec le Président de l’Autorité Palestinienne Mahmoud Abbas à Bethléem en mai dernier, le Président Trump a fait comprendre à son interlocuteur que les palestiniens se devaient de mettre un terme définitif à cette pratique. Plus récemment, le Secrétaire d’État Tillerson, dans un discours prononcé devant la commission des affaires étrangères du Sénat, a affirmé qu’un changement dans la politique palestinienne était déjà en cours. Lorsque des sources israéliennes et palestiniennes ont réfuté cette interprétation inexacte de ce qu’il avait entendu lors de l’entretien de Bethléem, Tillerson s’est repris et a expliqué que les palestiniens travaillaient activement à une réforme de leurs procédures et que les Etats-Unis – et plus précisément le Président – étaient prêts à faire montre de patience, mais pas indéfiniment.

Au même moment, le Congrès américain examine le Taylor Force Act, nommé d’après un fonctionnaire américain assassiné alors qu’il séjournait en vacance à Tel Aviv. La famille de son assassin compterait parmi les bénéficiaires des compensations allouées par l’Autorité Palestinienne. Tout cela survient alors qu’un effort continue est mené au niveau opérationnel par l’envoyer spécial du Président Jason Greenblatt, chargé de trouver le chemin de retour vers la table des négociations entre israéliens et palestiniens. De plus, des acteurs clefs du monde arabe adoptent aujourd’hui des postures de plus en plus fermes à l’égard du terrorisme et de ses supporters et sponsors (tel que le Qatar, qui est en ce moment même montrer du doit par la majorité du monde arabe).

Comment cette question va-t-elle se régler ? Quelles seront ses conséquences sur ce que le Premier Ministre Netanyahu a décri – dans un discours prononcé au Musée d’Israel aux côtés du Président Trump – comme une opportunité pour la paix comme jamais il n’en avait connue auparavant?

Il n’y a pas de réponse simple, car il est quasi certain que la pratique de rétribution des familles de « martyrs » et de prisonniers (les palestiniens parlent de leurs « asra », qui se traduit par prisonnier de guerre, plutôt que de « sujana », qui se réfère à un prisonnier au sens criminel du terme) est trop profondément ancrée dans la culture politique palestinienne pour être complètement abandonnée. Toutefois, tous les acteurs ont aujourd’hui intérêt à faire avancer les pourparlers, y compris Israël (si tant est que Abbas, ainsi que les déclarent certains rapports, est réellement enclin à s’asseoir à la table de négociations sans pré-conditions). Pourra-t-on jamais atteindre une solution ?

Pour commencer, l’Autorité Palestinienne devra trouver « quelque chose » qui puisse être interprété comme un changement de politique – ou bien elle risquerait de devoir affronter le courroux du Président américain et son administration, sans oublier celui du Congrès, qui pourraient très bien perdre le peu de patience qu’ils ont.

La duplicité palestinienne face au terrorisme est une histoire ancienne. En décembre 1988, l’administration Reagan (durant ces dernier jours, avant la passation de pouvoir à Bush père), se basant sur des promesses faites à Israël et contrainte par une législation explicite du Congrès, instaura l’abandon ferme des pratiques terroristes du PLO comme pré-condition à tout dialogue avec les Etats-Unis. Le 13 décembre, dans un discours prononcé devant l’Assemblée Générale des Nations Unies (qui s’était alors déplacée de New York à Genève pour pouvoir l’entendre), Yasser Arafat avait « dénoncé » le terrorisme palestinien. Mais ce n’était pas assez pour Reagan, Bush et Schultz. Le jour suivant, après ce qui semble avoir été une longue nuit sans sommeil, Arafat déclara à l’occasion d’une conférence de presse qu’il « renonçait » définitivement au terrorisme (avouant par là qu’il avait pris part à de telles activités par le passé), avant de marmonné, visiblement énervé, « assez c’est assez, assez c’est assez, assez c’est assez ».

Mais ce n’était pas assez. En mai 1990, une organisation terroriste au sein du PLO financée par l’Iraq tenta une attaque contre les côtes israéliennes. Le dialogue fut alors rompu.

Toutefois, il faut bien se rappeler que Abbas n’est pas Arafat, et que les forces de sécurité palestiniennes, sous la direction de Majid Faraj, sont des partenaires bien plus fiables dans la lutte antiterroriste qu’elles ne l’étaient sous Rajoub ou Dahlan. L’Armée de Défense israélienne et le Shin Bet travaillent étroitement avec elles et n’ont aucune envie de voir leur crédibilité détruite parmi leurs propres communautés. Alors que des plans sont actuellement élaborés par les autorités israéliennes compétentes afin d’améliorer les conditions économiques et de logement pour les palestiniens, incluant les constructions arabes présentes dans la zone C sous contrôle israélien, les israéliens ne souhaitent pas voir tout leur travail réduit à néant à cause de la question des paiements.

La solution pourrait être de mettre en place de nouveaux mécanismes apportant un soutien financier aux familles palestiniennes, tout en abandonnent le traitement préférentiel accordé à des familles de meurtriers condamnés (ou morts) et par la même le message envoyé par ces compensations. Ces efforts doivent être coordonnés et un effort systématique doit être fait afin de réduire, si ce n’est éliminer, la glorification de « martyrs » dans les écoles palestiniennes et le domaine public. Le travail d’organisations telles que MEMRI et PMW devrait être applaudi et reconnu au plus haut niveau du gouvernement américain si nous voulons que ce message soit entendu.

De plus, le moment présent – la crise du Qatar coïncide avec la question des paiements mais également avec les réactions de plus en plus sévères par les gouvernements européens et les parlements nationaux (en Norvège, au Danemark, en Suisse, pays ayant historiquement soutenu le gouvernement palestinien) à l’abus de leurs aides financières, utilisée pour nommer des écoles d’après des terroristes – est propice à amener les palestiniens à réfléchir collectivement sur le bien fondé de cette action. Dans le monde de l’après 11 septembre, de l’après Bataclan, et de l’après Manchester, la norme doit être la tolérance zéro.

Les Qataris en font actuellement les frais. Espérons que le Hamas – avec moins d’argent du Qatar dans lequel puiser et sans l’Autorité Palestinienne pour payer l’électricité à Gaza – n’essayera pas une fois encore de tester où se situe la « ligne rouge ». Même l’Iran, désormais victime des horreurs de ISIS, s’est attelé à la création d’une cellule anti-terroriste, sans apparemment réaliser toute l’ironie de la chose.

Le message énoncé par Riyad doit devenir un principe premier : les palestiniens ne peuvent plus revendiquer la légitimité de leurs actes terroristes, et le faire dégraderait terriblement leur statut à Washington et en Europe.

Une conséquence supplémentaire, au delà de la dimension morale, doit être (ou plutôt devra être, si les pourparlers reprennent) une meilleure compréhension des besoins sécuritaires légitimes d’Israël. Face à une société où les actes de terreur ont été respectés et récompensés pendant si longtemps, Israël est plus que justifiée de demander – pour reprendre le langage utilisé par Président Obama en 2011- des mesures de sécurité « robustes » qui assureront que tout progrès vers une solution future ne finisse pas dans un énième bain de sang, à l’image de l’après Oslo.

Même dans le contexte d’une solution à deux états, « une présence militaire de long terme » en Cisjordanie – phrase de Netanyahu, également notable pour ce qu’elle ne dit pas (une souveraineté civile permanente) – doit être incluse dans toute proposition, que ce soit un accord sur un statut permanent (peu probable) ou bien un accord d’intérim (plus probable).