L’Autriche bannit le financement étranger de l’Islam

Ce mercredi 25 février, le Parlement autrichien a adopté une nouvelle législation qui vise à promouvoir ce que Sebastian Kurz, ministre de l’Intégration, des Affaires européennes et internationales, appelle « un islam à caractère européen ». Visant à contenir les dérives radicales, la loi interdit le financement des organisations culturelles et des imams par des fonds étrangers et exige de tous les imams la maîtrise de l’allemand.

Le texte prévoit de faire cesser toute influence des nations et des organisations musulmanes étrangères tout en introduisant de nouveaux droits et devoirs pour les musulmans autrichiens dans la pratique de leur foi. Ils pourront, en outre, disposer pour la première fois d’aumôniers dans l’armée, les hôpitaux, les maisons de retraite et les prisons. Ils auront également à leur disposition des repas halal dans ces établissements comme dans les écoles publiques, et auront la possibilité de manquer le travail les jours de fête.

Un modèle pour d’autres pays européens

Le projet de loi, en préparation depuis 2 ans, est antérieur aux violences djihadistes récentes en France comme au Danemark, mais a été pensé pour combattre l’influence croissante de l’islam radical en Autriche. Il modernise la précédente « loi sur l’islam », promulguée en 1912, après l’annexion de la Bosnie-Herzégovine à l’empire austro-hongrois.

Présenté par le gouvernement de grande coalition gauche-droite au pouvoir à Vienne, le texte est surveillé de près par d’autres pays européens confrontés au problème de la propagation de l’extrémisme ; notamment la France, où le Premier ministre Manuel Valls a annoncé mi-février vouloir lui aussi empêcher de tels financements. Kurz explique que des représentants allemands et suisses ont également exprimé leur intérêt dans le projet de loi.

Lutter activement contre la radicalisation

Selon des estimations, environ 200 ressortissants autrichiens – y compris des femmes et des mineurs – sont allés en Syrie et en Irak pour rejoindre les rangs de l’Etat Islamique de d’autres organisations djihadistes. Selon un sondage de l’institut OGM publié mardi, 58% des Autrichiens estiment assister à une « radicalisation » des musulmans dans le pays.

Pour lutter contre le risque croissant d’endoctrinement, la législation interdit ainsi les organisations culturelles islamiques et les imams de recevoir des fonds de l’étranger en Autriche.

La loi stipule que les quelque 450 organisations musulmanes du pays devront désormais faire preuve d’une « approche positive de la société et de l’Etat » pour être agréées.

Les imams devront être en mesure de parler allemand en vertu de la loi, afin de rendre leurs discours plus transparents et de faciliter l’intégration et la compréhension de l’islam dans la société autrichienne.

« Nous souhaitons avoir à l’avenir de plus en plus d’imams ayant grandi en Autriche, parlant l’allemand et pouvant ainsi servir d’exemples positifs aux jeunes musulmans », a expliqué Kurz.

De nombreux détracteurs

La nouvelle législation est moins polémique que la première mouture, qui prévoyait notamment d’imposer une version « officielle » du coran, en allemand, mais elle suscite tout de même l’opposition.

Le principal dignitaire musulman de Turquie, Mehmet Görmez, dont le pays salarie de nombreux imams en Autriche, a estimé que cette nouvelle législation représentait « une régression de 100 ans », assurant que «pas un seul incident» n’avait été à déplorer concernant l’enseignement turc de l’islam.

Plusieurs organisations ont annoncé vouloir attaquer la législation devant le Conseil constitutionnel, invoquant une « discrimination » par rapport aux autres religions.

Le parti d’extrême droite a, quant à lui, dénoncé un effet « placebo » qui ne réduirait pas les risques de radicalisation.

La principale fédération musulmane a cependant approuvé le projet de loi.

L’Autriche compte environ 560.000 musulmans pour 8,5 millions d’habitants. Ils sont d’origine turque, bosniaque, tchétchène et iranienne pour la majorité d’entre eux.