Radio J : La chronique hebdo de Simone Rodan-Benzaquen dans le Grand Journal du 29 avril 2022. Thème : "Antisémitisme sur les campus américains"

Nous avons commémoré cette semaine l’attaque antisémite à la synagogue de Poway en Californie, qui a eu lieu à la fin de Pessah il y a trois ans. Dans ce contexte, et afin de mieux comprendre la réalité de ce que vit notamment la nouvelle génération des Juifs américains, mon organisation, l’American Jewish Committee, a décidé de mener une enquête en interrogeant des jeunes juifs âgés de 25 à 40 ans.

Cette enquête montre d’abord que la réalité d’une jeunesse juive américaine apaisée a bien changé. Plus d'un quart des milléniaux juifs américains disent qu’il vaut mieux prendre ses distances avec Israël pour mieux s'intégrer parmi ses amis. Et pire encore 23 % des jeunes juifs sur les campus universitaires ou ailleurs vont même jusqu’à cacher leur identité juive pour se protéger.

Et les incidents ne manquent pas. Cette semaine, un groupe d'étudiants musulmans de l'American University de Washington, qui devait coparrainer un seder et un Iftar inter confessionnel avec la section Hillel du campus, s’est retiré de l’évènement, citant le soutien d'Hillel envers Israël dans le contexte des nouveaux affrontements de la semaine dernière à la mosquée Al-Aqsa.

Des incidents comme celui-ci il y en a des centaines partout sur les campus américains, et les raisons qui ont favorisé cette situation sont multiples.

La première, l’argent bien sûr, ou comme disent les américains: follow the money. Entre 1986 et 2018, les pays du Golf ont fait don de plus de 6,6 milliards de dollars aux universités américaines. 75% de ces dons proviennent de donateurs qataris, qui non seulement financent des chairs universitaires mais aussi des groupes tels que Students for Justice in Palestine (SJP), une réseau pro palestinien très virulent qui soutient le BDS, et s’attaque régulièrement aux étudiants juifs qu’ils identifient comme sionistes.

La deuxième est qu’on assiste, de manière générale, à une radicalisation croissante des étudiants américains. Beaucoup d’étudiants américains sont séduits par des théories autrefois décrites comme marginales : postmodernisme, postcolonialisme, identitarisme, néomarxisme, justice critique, théorie de la race et intersectionnalité, qui sont aujourd’hui souvent regroupés sous le terme « woke ».

Dans cette vision simpliste, où le monde est divisé entre Noirs et Blancs, opprimés et oppresseurs, les juifs, qui ont essentiellement une identité « fluide », sapent cette vision puriste. Par conséquent, ils ont été commodément rangés dans la catégorie des « Blancs », faisant souvent le lien avec Israël et le sionisme. « Blanc », « privilégies », « sionistes », « colonisateurs », « racistes », un gloubiboulga idéologique intersectionnel qui a encore été renforcé après la mort terrible de George Floyd et le rapprochement entre les groupements anti israéliens et Black Lives Matter. Des théories conspirationnistes selon lesquelles les organisations juives auraient aidé Israël à former la police américaine dans des méthodes brutales qui avaient coûté la vie à Floyd, ont largement été propagées. Ceci permet à cet antisémitisme de prospérer derrière le voile de la justice sociale et des droits de l'homme.

En réalité, le fait que l’antisémitisme soit de plus en plus répandu sur les campus américains est tout à la fois le symptôme et la cause d’une crise plus grave qui touche la jeunesse américaine. Une jeunesse qui refuse le débat démocratique et qui est devenue extrêmement perméable aux dogmes, au conformisme et à l’idéologie.

Si vous ne professez pas allégeance à cette vision du monde, ou du moins si vous la prétendez, vous êtes suspect, vous êtes du mauvais côté de l’histoire et de la morale, homogénéité et exclusion au nom de la diversité et de l'inclusion.

Pour les juifs cela a des conséquences évidentes, non seulement par la manière dont ils sont vus (blancs, privilégiés, ambigus, sionistes, racistes…) mais aussi par la place qu’ils prennent dans la société.

Car là où la liberté prospère, les Juifs prospèrent. Là où la différence est célébrée, les Juifs le sont aussi. Là où la liberté de pensée, le débat et la dissension sont protégés et célébrés, les Juifs ont tendance à l'être aussi. Et lorsque la pureté de la pensée, lorsque l’idéologie dominent, et les vertus de la liberté et de la différence sont considérés comme des menaces, les Juifs le sont aussi. Il est grand temps que l'Amérique et notamment sa jeunesse reviennent à la raison.

Image retirée.

18Anne-Sophie Sebban Bécache et 17 autres personnes

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