Le contrôle des armes: quels enjeux ?

La ville d’Uvalde, au Texas, située non loin de la frontière mexicaine abrite la Robb Elementary School, une école publique d'un demi-millier d’élèves, essentiellement d’origine hispanique, de milieux modestes ou défavorisés. Mardi dernier, un habitant de la ville, Salvador Ramos, 18 ans, a commis l’irréparable.

Après avoir tiré sur sa grand-mère à son domicile, il a pénétré dans l’école primaire et fait un carnage. 19 enfants, entre 7 et 10 ans, ont été tués, ainsi que deux adultes. Le mari d’une professeur décédée parce qu’elle avait essayé de protéger des enfants, vient lui-même de mourir à la suite d' un arrêt cardiaque. Ils avaient 4 enfants.

Cette tuerie intervient exactement 20 ans après la sortie du célèbre documentaire de Michael Moore, Bowling for Columbine, qui visait déjà à réveiller les consciences sur ce sujet. Même si le problème est connu depuis longtemps, les chiffres faramineux des victimes augmentent d’années en années. Les ventes d’armes ont surtout connu une importante croissance pendant le Covid. Au point que les États-Unis ont mis de plus en plus d'armes entre les mains d'un nombre croissant de personnes : 120 armes à feu pour 100 personnes. Près de 20 millions d'armes vendues en 2020 ; 18,5 millions de plus en 2021. Le mois dernier, une étude a révélé une hausse de 30% d’enfants américains morts par armes à feu entre 2019 et 2020. Elles sont même devenues la première cause de mortalité chez les enfants américains.Depuis le début de l’année, le FBI dénombre 212 fusillades aux Etats-Unis, dont fait partie celle de Buffalo dont je vous ai parlé la semaine dernière. Seize villes, dont Philadelphie, Austin, Jackson, Columbus, Baton Rouge, New Haven et Portland, ont connu un taux d'homicide record en 2021. Dans la capitale du pays, les personnes de moins de 50 ans ont été plus nombreuses à être abattues par balle qu'à mourir du Covid. Ces chiffres donnent le vertige. “Ecoeurement” et “fatigue” ont d’ailleurs été les premiers mots employés par le président Biden.

“L’idée qu’un gamin de 18 ans puisse pénétrer dans un magasin d’armements et acheter deux fusils d’assaut est tout simplement inacceptable”, a-t-il dit.

Jo Biden a raison. Et il est incompréhensible qu’une politique de contrôle voir de restrictions, même a minima, n’ait jamais été mise en place. Sur les restrictions, c’est essentiellement le lobby des armes NRA - pointé du doigt par Joe Biden - qui arrive à convaincre les législateurs de ne pas voter de loi sur le sujet au sénat et permettre, par voie de conséquence, par exemple, que des malades mentaux puissent avoir accès aux armes.

Mais vous n’avez pas besoin de moi pour vous dire ça. Des centaines de milliers d’articles ont été écrits à ce sujet.

Je pense, quant à moi, que le vrai sujet réside ailleurs. Le vrai sujet est celui que nous avons déjà abordé à de nombreuses reprises ici, quand je vous parlais d’antisémitisme, de suprématie blanche, de la radicalisation de la gauche, de la folie de l’idéologie identitaire.

Le vrai sujet est celui d’une société en désarroi, où les différents groupes se referment de plus en plus sur eux-mêmes et se haïssent au point de ne plus se parler, voire même d’obéir à un certain nihilisme jusqu’à vouloir la mort de l’autre.

La réalité est que l’Amérique parvient à être, tout à la fois, le pays le plus puissant du monde, avec l’économie la plus dynamique, une puissance scientifique et militaire, mais aussi une société ou le pire est possible. Cette évolution montre un affaiblissement de ses idéaux fondateurs, mais reflète aussi la crise profonde que toutes nos sociétés occidentales traversent, et qui se traduit par autant de coups de canif dans notre contrat social, celui d’une société qui fait nation autour de valeurs communes.

Si nous voyons uniquement cette fusillade comme un problème isolé, et traitons uniquement la question des armes, nous passons à côté de l'essentiel. L’essentiel est que nous devons, collectivement en tant que sociétés démocratiques, à nouveau s’unir autour des valeurs fondamentales d’humanisme, de pluralisme et de liberté et auxquelles nous devons absolument redonner un sens.