Rapport annuel du FBI sur les crimes haineux aux États-Unis : une sortie qui révèle d’importantes lacunes.
Chaque année le FBI, le principal service fédéral de police judiciaire et de renseignement intérieur, publie les chiffres de crimes de haine commis aux Etats-Unis. Bien que la fiabilité des données soit un problème endémique depuis des années, cette année elles sont particulièrement problématiques. Une très grande partie des actes antisémites n’ont tout simplement pas été enregistrée.
Cela paraît fou, tellement c’est dysfonctionnel. Tout d’abord, ce qu’il faut savoir est que même si le FBI est légalement tenu de publier un rapport annuel sur les crimes haineux, ceci n’est pas obligatoire pour les organismes dans chaque État. Ils fournissent donc volontairement ces informations provenant de leurs juridictions, ce qui signifie que le rapport prévu par la loi est quoi qu’il en soit incomplet.
Mais cette année il y a eu un dysfonctionnement supplémentaire. À partir de 2021, tous les organismes étatiques et locaux devaient utiliser le National Incident-Based Reporting System (NIBRS), un nouveau système de collecte de données, qui sert théoriquement de base de données centralisée et uniforme pour recueillir des données sur les crimes. Mais beaucoup n'ont pas respecté la date limite du 14 mars 2022 pour saisir les données dans le bon système. Et du coup presque , 30 % des agences locales n’ont tout simplement pas signalé des crimes haineux en 2021.
Notamment des agences de grandes villes comme New York ou Los Angeles n'ont pas soumis leurs données ou n'ont pas été formées pour le faire, ce qui signifie que leurs statistiques ne figurent tout simplement pas dans le rapport annuel du FBI.
Cela veut dire que l’attaque dans un restaurant de sushi à Los Angeles où les suspects avaient demandé : "Qui est juif?" et "Mort aux Juifs" avant de lancer des bouteilles de verre sur les convives et de leur donner des coups de poing et de pieds, ne figure pas dans le rapport.
Cela signifie également que le rapport du FBI ne tient pas compte de l'agression d'un jeune homme portant une kippa, qui avait été agressé, aspergé de gaz et battu au milieu de Times Square pendant que ses agresseurs le traitaient de "sale juif".
À l'heure où l'antisémitisme fait presque quotidiennement la une des journaux américains, il est essentiel de bien comprendre l'ampleur du problème pour pouvoir lutter efficacement contre la montée des actes antisémites.
Du côté des citoyens juifs américains, il faut qu’ils aient suffisamment confiance dans le système de police et juridique pour être incitées à porter plainte. On sait de manière générale qu’une majorité des victimes ne portent pas plainte. En France, avec notre radiographie nous avons par exemple constaté que 80 % des Français juifs ne portent pas plainte à la suite d’une agression antisémite. Cela dit beaucoup sur la manière dont l’antisémitisme a été intégré par les victimes comme un phénomène presque « banal », et aussi sur le manque de confiance que les victimes peuvent avoir envers les institutions étatiques. C’est dramatique pour la lutte contre l’antisémitisme et je dirais même pour la démocratie. Et cela s’aggrave bien évidemment quand les victimes savent qu'elles ne font même pas partie des statistiques.
La seule bonne nouvelle. Il y a quelques jours , la Maison Blanche a enfin annoncé l’élaboration d’un plan de de lutte contre l’antisémitisme, entre diverses agences gouvernementales, comme cela se fait chez nous en Europe depuis des années. Peut-être l'expérience de l'antisémitisme en Europe pourra-t-elle permettre aux États-Unis à aller plus vite et ne pas commettre les mêmes erreurs.