Étoiles jaunes portées par des manifestants opposés au passe sanitaire, usage du pronom « Qui ?» pour dénoncer la supposée mainmise des Juifs sur les médias, le complot juif remis au goût du jour pour expliquer la pandémie du coronavirus… Aux incidents antisémites que la France connaît chaque année, se sont ajoutés, en 2021, ceux liés à la crise sanitaire. C’est dans ce contexte et afin de bien mesurer ce phénomène qu’il nous a paru essentiel de réaliser cette radiographie de la société française face à l’antisémitisme.
Pour ce faire, nous avons construit un dispositif d’enquête exceptionnel. Exceptionnel par sa taille : nous avons conduit l’enquête parallèlement auprès de deux échantillons spécifiques – Répondants de confession ou culture musulmane, Répondants de confession ou culture juive – et auprès d’un échantillon global, représentatif de la population française dans son ensemble en fonction de la zone géographique d’habitation, de critères socio-économiques, des affinités politiques ou encore en fonction des sources privilégiées d’information.
Quelques enseignements de cette étude
Les Français juifs demeurent très exposés aux actes antisémites
Deux Français juifs sur trois (74 %) disent avoir déjà subi au cours de leur existence un comportement antisémite, de la moquerie (68 % dont 50% à plusieurs reprises) à l’agression physique (20% contre 23 en 2019) en passant par l’insulte (53% contre 48 en 2019) ou la menace verbale (24% contre 22 en 2019). L’identification en tant que juif constitue un facteur de risque et expose particulièrement à la violence. Beaucoup, dès lors, cachent leur religion.
55 % des parents demandent à leurs enfants de ne pas porter de signes distinctifs et 45 % de ne pas dire qu’ils sont juifs. Un tiers (32 %) des parents indiquent que leur enfant a déjà été victime d’insultes antisémites et 18 % d’agressions physiques. Les 18-24 ans sont les plus touchés par ce phénomène qui augmente. Ils sont 63 % à déclarer avoir été victimes d’une agression verbale (contre 53 % en 2019), 46 % à déclarer avoir été victime de menaces ou insultes sur les réseaux sociaux (contre 28 % en 2019) et 26 % à faire état d’une agression physique (contre 20 % en 2019).
Il est à noter que 80 % des Français juifs déclarent ne pas avoir porté plainte à la suite d’une agression antisémite ce qui révèle à la fois une forme de résignation et une confiance érodée en la justice.
Les préjugés antisémites persistent à un niveau stable au sein de la société française…
Les préjugés antisémites sont tout de même partagés par un quart et un tiers des Français selon le type de préjugé.
« Les Juifs seraient plus riches que la moyenne des Français » (30%), « les Juifs auraient trop de pouvoir dans le domaine de l’économie et de la finance » (26 %) ou « dans les médias » (24 %). La crise de la Covid-19 ne semble pas avoir fortement aggravé le phénomène mais les chiffres de l’enquête fluctuent en fonction de l’âge, de la proximité politique et avec certains mouvements comme les anti-vaccins. Par exemple, « les Juifs auraient trop de pouvoir dans le domaine de l’économie et de la finance » est vrai pour 37% des répondants ayant une bonne image des anti-vaccin, 33% des proches de Jean-Luc Mélenchon et 34 % des personnes proches de Marine Le Pen.
… mais la population de confession ou de culture musulmane est la plus touchée par la diffusion des idées antisémites
15 % des répondants de confession et de culture musulmane reconnaissent éprouver de l’antipathie pour les Juifs, 10 points de plus que dans l’ensemble de la population française et 36% considèrent que l’on parle trop d’antisémitisme (contre 15% en population française). Concernant l’adhésion aux préjugés, les écarts sont spectaculaires. L’idée d’une mainmise des Juifs sur les médias (54 %, + 30 points par rapport à la population française dans son ensemble) ou sur l’économie (51 %, + 27 points) est ainsi partagée par plus d’une personne sur deux de confession ou de culture musulmane. Les niveaux d’adhésion aux préjugés sont très élevés même parmi les cadres ou les diplômés de l’enseignement supérieur (de même, d’ailleurs, qu’au sein de la population française dans son ensemble) et semblent liés à l’intensité de la fréquentation des lieux de culte : ainsi, 61 % des répondants de confession et de culture musulmane qui se rendent à la mosquée toutes les semaines estiment que « les Juifs ont trop de pouvoir dans le domaine de l’économie et de la finance », contre 40 % parmi les non-pratiquants.
Toutefois, chez les répondants de confession et de culture musulmane, on observe que certains préjugés antisémites sont moins répandus parmi les nouvelles générations. Ainsi, 60 % des répondants de confession et de culture musulmane de plus de 50 ans considèrent que « les Juifs ont trop de pouvoir dans le domaine des médias », contre 40 % chez les répondants de confession et de culture musulmane de 18-24 ans ; de même, 59 % de ceux de plus de 50 ans estiment que « les Juifs ont trop de pouvoir dans le domaine de l’économie et de la finance » contre 34 % chez les 18-24 ans.
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