Accuser Israël de génocide à Gaza, une mascarade kafkaïenne
Mercredi, le ministre des affaires étrangères Stéphane Séjourné a défendu le refus de Paris de soutenir l'Afrique du Sud pour son action devant la Cour internationale de justice. Pour Simone Rodan-Benzaquen, l’accusation de génocide à l’égard de l’État hébreu s’inscrit dans une stratégie conçue pour le criminaliser.
«Accuser l'État juif de génocide, c'est franchir un seuil moral», a déclaré mercredi à l'Assemblée nationale le nouveau ministre des Affaires étrangères, Stéphane Séjourné. Il a raison. C'est précisément ce seuil moral qui a été franchi par l'Afrique du Sud, soutenue par des pays tels que le Venezuela, la Turquie, l'Afghanistan et l'Algérie, en accusant Israël de génocide devant la Cour internationale de justice. Ironie de l'histoire, c'est cette même Afrique du Sud qui avait refusé en 2015 de remettre l'ancien président soudanais Omar al-Bashir, inculpé pour génocide et crimes contre l'humanité, à la Cour pénale internationale. C'est également cette Afrique du Sud qui soutient régulièrement des autocrates tels que Nicolas Maduro ou Vladimir Poutine et qui a accueilli à plusieurs reprises des leaders du Hamas à Pretoria, le dernier échange dont le public a été informé ayant eu lieu le 17 octobre entre la cheffe de la diplomatie, Naledi Pandor, et le leader du Hamas, Ismaël Haniyeh.
«Le mensonge devient l'univers», écrivait Franz Kafka. Cette stratégie est employée non seulement par l'Afrique du Sud et ses alliés, mais aussi par de nombreux autres pays et acteurs depuis des décennies. Plus un mensonge est répété, que ce soit sur les banderoles des manifestants, dans les rapports des organisations de droits de l'homme, devant le Conseil des droits de l'homme de l'ONU et maintenant devant une cour de justice, plus il tend à être perçu comme un fait avéré.
Ainsi, les principes des droits de l'homme sont pervertis pour stigmatiser Israël et le sionisme, une stratégie conçue pour criminaliser l'unique État juif en l'assimilant aux pires fléaux de notre époque : colonialisme, impérialisme, racisme, apartheid, nazisme et génocide.
Une vieille stratégie, qui ne date pas d'hier. En 1975 déjà, lors de l'Assemblée générale des Nations unies, une coalition menée par l'Union soviétique et des pays arabes avait réussi à faire adopter la résolution 3379, qualifiant le sionisme de 'racisme'. Cette légitimation internationale de la stigmatisation du sionisme avait transformé un banal slogan anti-israélien en une caractérisation idéologiquement endossée par les plus hautes instances internationales. La résolution a uniquement été abrogée en 1991, sans que, pour autant, l'amalgame nazifiant ne disparaisse des discours de propagande antisionistes.
Plus récemment, la Conférence de Durban contre le racisme en 2001, qui s'est tenue quelques jours avant les attaques terroristes du 11 septembre, a constitué une autre étape dans l'instrumentalisation de l'antiracisme contre le sionisme, Israël et les Juifs. Au lieu d'être une conférence contre le racisme, elle s'est avérée être une conférence raciste, ou plutôt antisémite. Pendant le forum organisé en parallèle de Durban par les organisations non gouvernementales (ONG) des caricatures de Juifs rappelant l'époque de Goebbels ont circulé librement, des militants juifs ont été harcelés et la déclaration finale des ONG a qualifié Israël d'«État apartheid raciste» coupable de «génocide». Les Juifs n'étaient plus haïs au nom du racisme mais au nom de l'antiracisme, de l'anticolonialisme et des droits de l'homme.
Depuis, le rôle joué par les organisations gouvernementales et non gouvernementales confirme cette tendance. Des ONG, telles que Human Rights Watch et Amnesty International, qui n'ont jamais produit le moindre rapport sur l'antisémitisme dans le monde et s'efforcent de contrer la définition de l'antisémitisme de l'IHRA, poursuivant une campagne anti-israélienne effrénée, traitant Israël d'État d'apartheid. Et côté ONU, en 2022 seulement, l'Assemblée générale a adopté plus de résolutions contre Israël que contre toutes les autres nations réunies, favorisant une focalisation continue et disproportionnée à l'encontre de l'État juif au sein de cette instance mondiale.
L'antisémitisme a toujours su muter.
Pendant la Révolution scientifique, des théories raciales émergentes catégorisaient les Juifs comme une «race» inassimilable, menaçant la 'pureté' de la race aryenne. Des penseurs comme Houston Stewart Chamberlain, influencés par les idées eugénistes et le darwinisme social, ont contribué à cette vision, jusqu'à être soutenues au plus haut niveau en France et en Allemagne.
Avant cela, c'était le christianisme qui façonnait les perceptions, avec l'anti-judaïsme chrétien accusant les Juifs de déicide et prônant la théologie de la substitution. Au fil des siècles, cette animosité s'est ancrée dans la doctrine et la pratique de l'Église, entraînant des discriminations, des persécutions et des violences, notamment pendant les Croisades et l'Inquisition. C'est seulement au 1965, lors du Concile Vatican II, que l'Église a rejeté la notion de culpabilité collective des Juifs pour la crucifixion de Jésus.
Aujourd'hui, alors que les droits de l'homme dominent le discours international, l'antisémitisme mute une fois de plus pour y coller. Il se manifeste, masqué derrière des termes de droits humains, de droit international et d'antiracisme.
Ces manifestations modernes d'antisémitisme sont d'autant plus dangereuses qu'elles peuvent, comme à chaque époque, être soutenues par les plus hautes autorités contemporaines, les organisations internationales - gouvernementales, ainsi que non gouvernementales, telles qu'Amnesty International, Human Rights Watch, et parfois même l'ONU, son Conseil des droits de l'homme, et qui sait, aujourd'hui, la Cour Internationale de Justice ?
Le pire est à craindre dans cette mascarade kafkaïenne, tant le monde ne semble jamais apprendre de ses erreurs passées.