La question de l’abandon du nucléaire ukrainien en 1994 et de ses conséquences pour le monde entier

Nous avons beaucoup parlé des conséquences de la guerre en Ukraine en termes politiques, humanitaires, juridiques, énergétiques et économiques bien sûr. Mais il y a une question que peu de gens n'abordent, c’est celle de la décision de l'Ukraine de mettre fin à son stock nucléaire en 1994 et de la manière dont cela affecte aujourd’hui non seulement l’Ukraine mais des questions bien plus larges.

Après la dissolution de l'URSS, l'Ukraine possédait le troisième plus grand arsenal nucléaire du monde en plus de 176 missiles balistiques et 33 bombardiers. Peu enclins à voir d'autres pays dotés d'armes nucléaires, les États-Unis, le Royaume-Uni et la Russie ont encouragé les Ukrainiens à mettre fin à leur programme nucléaire. Le 5 décembre 1994, il y a presque 28 ans jour pour jour, le gouvernement ukrainien a donc signé le « Mémorandum de Budapest », acceptant le transfert et l’élimination de son stock nucléaire à la Russie et la ratification du Traité de non-prolifération nucléaire. En contrepartie, les États-Unis, le Royaume-Uni et la Russie, suivis plus tard par la France et la Chine, ont promis à l’Ukraine de garantir sa souveraineté, son intégrité territoriale et son indépendance économique.

Mais aujourd’hui, moins de trente ans après la signature du Mémorandum de Budapest, le moins que l’on puisse dire c’est que cela n’a pas beaucoup servi aux Ukrainiens. Ils ont fini par être envahi par la Russie, menacé d’armes nucléaires et le jour même de l’anniversaire du mémorandum, la Russie a cyniquement envoyé des dizaines de ces mêmes bombardiers sur l’Ukraine que cette dernière avait précédemment abandonnés à la Russie.

Les agissements de la Russie ont remis en question la question plus large des garanties internationales. Le retrait américain d'Afghanistan et la chute de Kaboul qui s'en est suivie ont suscité des doutes légitimes de tous les pays quant à l'utilité de compter sur d'autres nations pour assurer sa sécurité. La crise ukrainienne et l’abandon de l’Ukraine de son arsenal nucléaire renforcent cette perception, à savoir que les pays sont finalement seuls et doivent défendre eux-mêmes leur souveraineté et leurs droits.

Cela aura aussi des conséquences pour la prolifération nucléaire. D’un côté, des pays comme l’Iran et la Corée du Nord se rendent compte que la possession d’armes nucléaires les protège de représailles les plus graves (comme c’est aujourd’hui le cas pour la Russie), de l’autre côté, des pays comme l’Arabie Saoudite, les Émirats ou Israël se disent que seule l’arme nucléaire pourra les protéger d’un état ennemi bien plus puissant.

Et pour Israël les choses sont claires : tout cela confirme à quel point le pays ne peut compter que sur lui-même et que personne ne viendra jamais à sa rescousse. Aucune promesse, aucune garantie internationale ne lui assurera sa sécurité.

Cela rend le vote, il y a deux jours, à l’Assemblée générale des Nations Unies (149 contre 6) affirmant qu'Israël devait renoncer à ses armes nucléaires, d’autant plus ubuesque. Entre parenthèses, Israël a toujours entretenu l'ambiguïté autour de sa possession de l’arme nucléaire - et ce programme qui existe ou pas, ne contrevient donc pas aux normes du droit international. Mais renoncer aujourd’hui à ce programme ou plutôt à cette ambiguïté serait pour Israël une folie.

Le fait même que ce vote ait eu lieu, ne fait que confirmer l’idée pour Israël que son chemin est solitaire. Pendant que l’Ukraine se fait envahir, que l'Iran des Mollahs continue à massacrer son peuple et avancer vers la bombe nucléaire, la seule chose que les Nations Unis trouvent à faire, c’est de voter une énième résolution pour affaiblir Israel.

Israël le sait, comme l’Ukraine, Israël n’est pas entourée de pays comme le Liechtenstein ou le Luxembourg et c’est sa force et oui, aussi sa dissuasion nucléaire qui répondent à l’impératif du « Ein Breira », “nous n’avons pas le choix". Nous n’avons pas d’autre choix que d’être forts.