La voie qui mène à une nouvelle vie initiée par une aide inattendue

Qu’est ce qu’un bateau naviguant en mer vous inspire ? Une activité de plaisance, ou peut-être de travail, liée à la pêche.

Pour certains, il représente l’unique espoir d’un avenir meilleur ; ou d’un avenir tout court. Aujourd’hui, nous avons passé quelques heures sur les rives au nord de l’île de Lesbos, à aider les réfugiés à accoster. Nous avons rencontré des gens de toutes origines, heureux de trouver des visages souriants sur le rivage prêts à les accueillir à bras ouverts – bien qu’ils ne se soient jamais rencontrés auparavant, et malgré les différences qui pourraient les séparer.

Nous avons assisté et pris part à la réception de 4 bateaux en l’espace de seulement 2 heures. Chaque bateau en caoutchouc, conçu pour contenir un maximum de 15 personnes, transportait en fait 40 à 50 personnes. Syriens, Afghans, Iraniens – tous sont arrivés ensemble, comme s’il n’y avait jamais eu de différences entre eux. Il n’y a aucune raison de se battre lorsque l’on lutte pour sa survie.

Les bateaux sont arrivés un à un sur la rive, et dès que nous les apercevions de loin, nous agitions les bras et les appelions, afin de les diriger en leur faisant savoir où nous nous trouvions. Les réfugiés étaient réellement surpris de constater que de nombreuses personnes les attendaient pour leur venir en aide. Nous leur avons prodigué une assistance médicale, de la nourriture et de l’eau ; un bénévole suédois leur a confié des cartes et des instructions pour rejoindre la capitale de l’île, Mytilène, et les camps de réfugiés. Nous étions là pour eux, pour les accompagner durant leurs premiers pas sur le sol européen.

Certains de ces réfugiés étaient en état de choc – le trajet en mer depuis la Turquie est peut être court mais loin d’être plaisant. Les passeurs sont généralement violents, portent des armes et menacent les réfugiés, après avoir exigé d’eux des milliers d’euros pour la traversée. Ils ne préfèrent généralement pas en parler, mais il leur arrive de dévoiler des détails terrifiants de leur voyage jusqu’en Grèce et des atrocités qu’ils ont laissé derrière eux.

Les réfugiés sont étonnés de ce qu’ils voient. Ils le sont d’autant plus lorsqu’ils constatent que les personnes qui leur viennent en aide sont juives, et viennent même d’Israël pour la plupart. L’un d’entre eux était iranien. Après avoir reçu de la nourriture de ma part, il m’a demandé d’où je venais. En entendant ma réponse, il m’a serré la main en signe de gratitude.

Le fait que nous soyons juifs et israéliens a également surpris quelques uns des bénévoles. L’un d’eux m’a demandé de l’aide. Après lui en avoir prodigué, je lui ai demandé son nom et le lieu où il vivait. Il m’a répondu ainsi : « Mon nom est Keenan, je suis syrien mais je vis désormais en Belgique. Je suis venu ici avec deux autres amis belges. Et toi ? ». Lorsque je lui ai répondu, il a immédiatement réagi en disant « Ne parlons pas de cela. » Je lui ai ensuite demandé de m’expliquer ses propos, et ai argué que la politique était un sujet non pertinent, qui ne ferait qu’entraver le travail sain que nous faisions. Il s’est finalement montré satisfait et heureux de voir des gens s’impliquer sur les plans humanitaire et personnel, et non à travers le prisme de la politique.

Il existe une phrase en hébreu – אדם הוא אדם, באשר הוא אדם – qui signifie qu’une personne est une personne, quelle qu’elle soit. Les évènements de la journée vont en ce sens. Lorsqu’une main est tendue pour aider, les origines, la religion ou la nationalité n’ont que peu d’importance. Le destinataire est reconnaissant de l’aide qu’on lui apporte et montre sa gratitude. Les réfugiés respectent et savent évaluer le travail accompli ici. Ils apprécient d’être orientés durant leurs premiers temps en Europe. Ils seront à jamais reconnaissants, et se souviendront que la première main tendue vers eux était celle d’un Juif, ou d’un Israélien.