Le soulagement et la vigilance
Au terme d’une élection présidentielle qui n’aura pas cessé de réserver des surprises, Emmanuel Macron a donc été élu.
Une victoire nette. Plus nette que ce que les sondages prédisaient.
Un soulagement, bien sûr, pour toutes celles et ceux, nombreux, qui redoutaient de voir l’extrême droite l’emporter en France.
Un soulagement pour tous les républicains et les démocrates qui ne voulaient pas d’un pays replié sur lui-même, soumis aux intérêts russes et plongeant dans la division et la xénophobie.
L’élection d’Emmanuel Macron, candidat progressiste, libéral et pro-européen – son arrivée sur l’Esplanade du Louvre au son de l’hymne européen de Beethoven a été très remarquée et commentée – était loin d’être acquise et envoie un message d’espoir à toutes celles et ceux qui sont attachés à l’idéal européen et qui ne se résignent pas à voir notre continent de plus en plus grignoté par les formations populistes.
Elle est aussi une réponse claire à la tentative de déstabilisation de notre pays par Daesh qui, par la multiplication des attentats terroristes en France pariait sur la tentation de la fragmentation et de la guerre civile entre les Français, conséquence d’une victoire éventuelle de l’extrême droite.
Mais aucun triomphalisme n’est possible pour le nouveau Président de la République et ses équipes. Au contraire, c’est l’esprit de vigilance qui doit perdurer.
11 millions d’électeurs ont choisi le Front National. C’est un score historique pour cette formation. Marine Le Pen a gagné près de quatre millions de voix entre les deux tours quand son père en 2002 n’en avait obtenu que 800 000 supplémentaires. Elle a augmenté son score de plus de onze points, réussi à s’allier pour la première à une autre formation – Debout la France de Nicolas Dupont Aignan- mais surtout, par sa stratégie de dédiabolisation, à faire sauter ce que l’on a longtemps appelé « le front républicain ».
Ainsi a-t-elle obtenu un score non négligeable chez les électeurs qui avaient choisi François Fillon ou Jean-Luc Mélenchon au premier tour.
Le leader de la France Insoumise ayant refusé jusqu’au dernier moment d’appeler à voter clairement pour son adversaire, son attitude a favorisé l’abstention – près de 25%, soit pour la première fois dans l’Histoire de la Ve République un taux de participation plus faible au second tour qu’au premier- et le vote blanc ou nul- qui a, lui aussi, atteint un taux record, autour de 8%-.
Cela signifie clairement qu’il n’y aura pas d’état de grâce pour le nouveau Président de la République, élu avec 66% des voix mais seulement 43% des inscrits. L’attente des Français est immense. Sa belle campagne, mobilisatrice et novatrice a suscité beaucoup d’espoirs qu’il s’agit de ne pas décevoir.
Ne pas décevoir ceux qui ont voté pour lui en s’attelant au renouvellement de la vie politique et à sa moralisation.
Répondre aussi aux inquiétudes et à la colère de ceux qui n’ont pas voté pour lui.
Leur sentiment d’abandon et de déclassement – Marine Le Pen a obtenu près de 52% de voix chez les ouvriers !- ne doit pas être méprisé. Rien ne serait pire pour Emmanuel Macron que de montrer la victoire d’une France sur une autre.
L’obsession du nouveau Président – et il l’a lui-même rappelé lors de son discours de victoire devant ses partisans- devra donc de tout faire pour faire baisser lors des prochaines consultations le score des extrêmes.
Pour cela, il ne faudra esquiver aucune question. Ne plus mettre sous le tapis les problèmes comme l’ont trop souvent fait ses prédécesseurs.
Concrètement cela signifie apporter des réponses à ceux qui ressentent une insécurité culturelle dans des quartiers trop souvent gangrénés par la violence et le communautarisme. Défendre la sécurité de nos compatriotes et les valeurs républicaines face à la menace terroriste islamiste qui reste importante comme l’assassinat il y a trois semaines du policier Xavier Jugelé l’a montré.
Ne plus transiger face aux intégristes en assurant la promotion sur chacun de nos territoires de la laïcité, de l’égalité entre les femmes et les hommes et du refus des propagandes de haine racistes, antisémites, sexistes et homophobes.
Mais aussi et c’est ce qu’il a, d’une certaine façon, commencé à faire durant cette campagne, à faire aimer de nouveau l’Europe, à faire croire de nouveau au rêve européen. Un défi complexe tant l’Europe est devenue aux yeux de nombreux Français synonyme de contraintes et d’appauvrissement mais que le nouveau Président de la République semble avoir à cœur de relever.
Face à l’ampleur de l’attente de ses électeurs, face à la pression que peut exercer sur lui l’importance des votes protestataires et de l’abstention de Français qui ne croient tout simplement plus que la politique peut changer quoi que ce soit à leurs vies, Emmanuel Macron a le devoir de réussir.
A lui à présent de laisser sa trace dans l’Histoire. Il est depuis ce dimanche celui qui a réussi à battre nettement la candidate de l’extrême droite, il doit demain être celui qui ne contribuera pas à favoriser encore son ascension.
L’équipe AJC Paris