Le pluralisme religieux, le peuple juif et le Grand Rabbinat

A partir d’un article de Dov Zakheim et de Steven Bayme dans The Jerusalem Post.

Ella Spivack est née aux Etats-Unis d’un père juif et d’une mère non-juive. Enfant, elle a été convertie par un rabbin non-orthodoxe puis a été élevée dans la tradition juive. Elle a fait son alya en 2008 avant de rejoindre volontairement l’armée israélienne. Elle a suivi les cours de conversion orthodoxe fournis par Tsahal et y a rencontré son futur mari tout en travaillant à la Knesset.

Pour des raisons idéologiques mais aussi administratives, le couple souhaite être marié par un rabbin conservateur. Mais, en Israël, le monopole du Grand Rabbinat sur les questions de statut interdit cela. Le couple s’est ainsi marié en Israël, avec un rabbin conservateur… à l’occasion d’une cérémonie non reconnue. Ils se sont ensuite mariés civilement aux Etats-Unis, et cherchent désormais à faire reconnaître leur mariage en Israël.

Il s’agit d’un exemple parmi tant d’autres de la façon dont un événement joyeux se transforme en cauchemar pour les couples, et ce du fait de l’absence de liberté de choix dans le mariage en Israël.

Les immigrants européens qui ont été tourmentés dans leur pays justement parce qu’ils étaient juifs se retrouvent finalement considérés en Israël comme n’étant pas vraiment juifs.

Cette situation anormale et dysfonctionnelle a poussé AJC à créer, il y a un an de cela, Jewish Religious Equality Coalition composé d’une douzaine d’organisations juives dans l’ensemble du spectre confessionnel ainsi que plus de 60 dirigeants juifs éminents afin de plaider en faveur de la création d’alternatives reconnues au monopole du Grand Rabbinat.

Cette coalition diffère des initiatives précédentes dans le large soutien dont elle bénéficie, allant des leaders du mouvement réformiste israélien à ceux de l’orthodoxie ouverte. Il n’est pas question d’abolir le Grand Rabbinat, symbole de l’Etat juif. Mais plutôt de chercher des alternatives reconnues comme le mariage civil ou encore les normes de conversion libéralisées, ce que ne permet pas le monopole actuel.

Début novembre, Jewish Religious Equality Coalition a entrepris sa première visite en Israël, afin de faire pression pour provoquer de tels changements. Leurs efforts ont eu un écho considérable dans plusieurs sphères de la société israélienne.

Nous avons constaté que le rôle public du rabbinat et l’absence de pluralisme religieux étaient notamment préjudiciable à la relation qu’entretiennent les Juifs américains – adhérant pour la plupart à un judaïsme conservateur et réformé – à Israël.

En délégitimant les rabbins conservateurs et réformistes, Israël délégitime l’identité juive des Juifs américains non orthodoxes.

D’où notre intervention dans ce qui pourrait être considéré en apparence comme une question israélienne interne, mais qui, en fait, a de profondes conséquences sur la relation qu’entretiennent les Juifs du monde entier avec Israël. Nous avons expliqué à nos interlocuteurs israéliens que nous étions venus exprimer notre solidarité avec Israël dans la période difficile et dangereuse que le pays traverse, mais que nous étions également préoccupés par le maintien de ce soutien par les futures générations.

De nombreux obstacles et une opposition certaine à ce programme sont bien évidemment à prendre en compte, en Israël comme ailleurs. Mais nous pensons qu’il faut persévérer.

Sur le plan moral comme religieux, le monopole du Grand Rabbinat pose problème. La notion même de peuple juif est en danger lorsque les Juifs de la Diaspora sont confrontés, en Israël, au refus de reconnaissance des diverses expressions du judaïsme.

Enfin, un Israël dont la position en tant que démocratie est remise en question par des procédures religieuses ouvertement antidémocratiques risque de voir le soutien de ses alliés diminuer.

Notre but est d’éviter que ces scénarios se produisent, pour le bien des Juifs, du peuple juif, et, surtout, de l’Etat juif.