Tribune: Terra Nova en terre nouvelle de la pensée unique

En juin dernier, la France et la Gauche perdaient un de ses plus grands penseurs et plus grands espoirs. Olivier Ferrand, visionnaire progressiste imposait et s’imposait l’ouverture d’esprit, la pluralité et ce dans un souci d’exhaustivité. L’objectif premier de Terra Nova n’était pas seulement une influence idéologique mais la réappropriation du débat d’idées à gauche. Donner la parole à des points de vues divers, offrir à tous les courants de la gauche et au delà la possibilité de s’exprimer étaient l’essence même de Terra Nova. C’était un vrai think tank, c’est à dire une boite à idées et non l’apologie de la pensée unique.

J’ai eu la chance de connaître Olivier et de collaborer avec lui à plusieurs reprises. Il ne craignait pas de travailler avec une organisation juive américaine, et ce malgré quelques critiques. Il comprenait que l’AJC était une organisation qui cherchait avant tout le dialogue et la confrontation d’idées. Nous avions des projets ensemble comme mettre autour de la table juifs et musulmans pour réfléchir ensemble aux solutions concrètes pour un vivre ensemble plus apaisé ou encore inviter des intervenants israéliens et palestiniens ici en France.

En juin nous avions organisé ensemble au Sénat un colloque sur le danger que peut représenter la prolifération du nucléaire iranien à des fins militaires. Quelques uns nous avaient reproché à l’époque d’être « clivés », et pourtant des représentants du gouvernement français et géo-politologues divers étaient présent autour de la table, offrant à chacun la possibilité de s’exprimer.

Tous ceux qui étaient présents savent que le débat était vif, argumenté et divers.

Quelques mois plus tard, nous avons pu participer à un colloque qui n’a plus rien avoir avec l’ouverture d’esprit que caractérisait Terra Nova auparavant. L’intitulé même du colloque qui a eu lieu hier le 5 décembre à la Bellevilloise « Palestine à l’ONU : un statut d’État non membre suffit-il ? » orientait déjà dés le départ de manière explicite la teneur de ce dernier. En conséquence nous avons assisté à une multitude d’opinions semblables, militantes et non à un débat. On pouvait entendre des choses comme: » Il y a une mafia a la tête de l’état d’Israël qui controle les médias a travers le monde, « Israël est un pays colonial » ou encore « chacun qui achète quelque chose d’une colonie israélienne se rend complice de la misère d’un enfant palestinien ».

On est loin de l’époque où Terra Nova laissait la place à des points de vues opposés sur la question, en témoigne les notes de Terranova avant l’Assemblée Générale des Nations Unis l’année dernière. Le choix des intervenants cette-fois-ci à ce débat a transformé ce dernier non en débat mais bien en tribune partisane, acquise à une cause. Sans vouloir jouer sur les mots et pinailler pour des problèmes de formules j’en reviens donc à ce qui était et ce qui devrait continuer d’être l’essence même de Terra Nova, celle d’un think tank progressiste créé dans le soucis d’améliorer notre société, d’aider cette dernière en proposant des réponse adaptées et justes aux problèmes qui la touchent.

Quel dommage, à l’heure où la création d’un Etat Palestinien essentielle à la paix doit être débattue, où les chemins doivent être trouvés pour que les relations et négociations directes entre israéliens et palestiniens reprennent, que Terra Nova symbole de trait d’union dans la société française, garant de discussion constructive, se transforme en défenseur de la pensée unique. Dans ces moments troubles et complexes, l’ouverture d’esprit et la force de rassemblement d’Olivier Ferrand nous manque.

Co signataire: Léo Maidenberg