Nouvelle polémique sur Twitter: "Anne Frank aurait bénéficié du "privilège blanc ? "

Je ne sais pas si vous avez vu qu’Anne Frank a récemment été sujet de débat sur Twitter aux Etats-Unis. Mais pas - comme on pourrait s’y attendre - pour lui rendre hommage, ainsi qu’à toutes les victimes de la Shoah. Non, Twitter s’est posé la question de savoir si elle avait bénéficié du "privilège blanc". Certains Twittos estimaient en effet que "tous les Blancs seraient « en sécurité » ou encore « qu’ Anne Frank a pu se cacher derrière sa blancheur, alors qu'aux États-Unis, les Noirs ne le peuvent pas. »

Certes, on peut penser qu’il s’agit d’ignorance, de bêtise. Plusieurs études et notamment une récente de l’UNESCO montrent à quel point la distorsion, voire le négationnisme circulent, surtout sur les réseaux sociaux. Ignorance sans doute du destin d’Anne Frank, cachée pendant deux ans pour échapper à la Gestapo à Amsterdam, puis déportée à Auschwitz Birkenau et ensuite à Bergen Belsen où elle est morte du Typhus à 15 ans.

Mais cette explication ne suffit pas car ce débat découle en réalité aussi d’une idéologie. Une idéologie dont je vous ai déjà parlé. Dire qu’"Anne Frank est coupable de privilège blanc" est symptomatique des dérives auxquelles peuvent mener la théorie critique de la race et le "wokisme" si on les mélange à l’inculture. Ce discours n’est pas sans rappeler ceux sur Helen Keller, aveugle et sourde, qui devrait son succès à son privilège blanc, ou encore la sortie de Whoopi Goldberg, que j’avais évoqué sur cette antenne, selon laquelle le massacre des Juifs par les nazis était "le fait de Blancs contre des Blancs".

Car sous ce régime woke, le monde est divisé en groupes d'oppresseurs et d'opprimés, avec une hiérarchie de privilèges vaguement définie. La place que l'on occupe dans cette hiérarchie définit souvent les opinions, et même les droits, qui sont considérés comme valables ou dignes d'être défendus.

Par exemple, le concept de "diversité, d’équité et d’inclusion" qui domine les campus universitaires américains (et même certains environnements professionnels) ferme souvent les yeux sur l'antisémitisme, quand il ne s'y adonne pas. Selon eux les Juifs sont "presque blancs" ou même selon certains des « Uber blancs », et ne rentrent pas dans la case des minorités et donc des victimes. La catégorisation des races et la victimisation remplacent en fin de compte l’universalisme et la vérité. C’est aussi précisément ce qui vient de conduire à un projet de loi en Ohio, qui vise à faire connaître les différents “points de vue” de la Shoah, et verser dans le règne du relativisme.

Tout cela me fait dire que la pente est devenue bien glissante. Ce que cet épisode démontre une fois de plus c'est à quel point l’obsession identitaire, mélangée à l’inculture et Twitter menacent l’idée d’une réalité commune, d’une cohésion sociale et d’un dialogue intelligent au sein de nos démocraties libérales.