Pour 2023, une seule résolution : la nôtre !
Au tableau des impressions de l’année qui vient de s’écouler, les couleurs sont primaires, existentielles. Des touches de jaune et de bleu. Les couleurs de l’Ukraine. Les couleurs de l’Europe.
Les lignes sont survoltées, flottantes, ébouriffées, raccourcies : les chevelures libres des femmes d’Iran.
Des ombres s’ajoutent en arrière-plan. Du noir persistant. En France et ailleurs en Europe, c’est ce bon vieil antisémitisme. Il prend des habits différents en fonction de là où l’on se place mais projette toujours le même dessein. Notre « radiographie de l’antisémitisme en France » publiée en janvier 2022 en témoigne : les préjugés antisémites imprègnent la société sur les temps longs, ils sont charriés par nos extrêmes qui s’en prennent aux juifs comme ils sabotent la démocratie. Aux élections présidentielles d’avril dernier, c’est encore la France modérée qui l’a emportée, celle qui voit dans l’antisémitisme un problème pour la société dans son ensemble (à 73%); mais à l’Assemblée, la place prise par l’extrême gauche et l’extrême droite nous renvoie vers un autre destin : autour de la République et des juifs, l’étau national se resserre. Pour rappel, l’affirmation selon laquelle « les Juifs ont trop de pouvoir dans le domaine de l’économie et de la finance » est partagée par 33% des proches du Rassemblement national et par 34% des proches de La France Insoumise.
Aux Etats-Unis, le phénomène antisémite passe de l’ombre à une lumière exubérante, hollywoodienne : 2700 actes antisémites dans le pays cette année, un record historique ; une star du rap suivie par des millions de personnes, Kanye West, se fait le chantre d’un antisémitisme véhément et l’ancien président Donald Trump l’invite à dîner. On croit rêver. La haine des juifs vient de toute part, des suprémacistes blancs, noirs à l’extrême gauche identitaire et antisioniste. Mais il y a aussi en Amérique des raisons d’espérer : aux élections des mid-terms, c’est encore là aussi une ligne plutôt modérée qui l’a emporté.
Après une seconde visite d’état réussie pour le président Emmanuel Macron à Washington, l’alliance transatlantique vit donc son moment de vérité : le pont entre les démocrates des deux rives doit devenir (ou redevenir) une passerelle large et robuste, où s’affirme ET notre modèle ET notre puissance. Nos concurrents, eux, de la Russie à la Chine en passant par l’Iran, n’hésitent pas à affirmer ensemble ET leur vision du monde ET leur brutalité. En ce mois de décembre, deux autres couleurs enlaidissent le tableau : le blanc glacial de l’hiver, les Ukrainiens plongés par Poutine dans la pénombre et le froid ; et le rouge du sang des jeunes Iraniens exécutés par le régime des mollahs.
Nous avons toujours plusieurs façons d’observer cette toile : catégoriser nos réactions, nos émotions, la peine et le sang-froid, la real politik et les valeurs. Ou considérer l’ensemble. Jusque récemment, il apparaissait plus efficace à nos diplomaties d’effectuer cette distinction pour régler les problèmes du monde : il y avait d’un côté le dossier nucléaire iranien, les négociations autour du retour au fameux accord JCPOA et de l’autre la situation des droits de l’Homme dans le pays ; d’un côté une certaine idée de l’Europe et de ses valeurs ; de l’autre le développent d’interdépendances à géométries variables vis-à-vis de la Russie. La révolution des femmes iraniennes et la guerre en Ukraine ont balayé ces théories. A y regarder de plus près, le bilan de 2022 doit nous faire entrer dans une nouvelle dimension, un web3 de l’action collective, politique et diplomatique : plus assumée, plus alignée, plus incarnée, plus déterminée. La conférence pour la résilience de l’Ukraine organisée ce mois de décembre à Paris, l’exclusion de l’Iran de la Commission de l’ONU sur le statut des femmes ne poseraient-elles pas les premiers jalons ?
Bref, pour 2023, une seule résolution, la nôtre