The National Post – Matthew Levitt : « La clémence européenne à l’égard du Hezbollah »

Cette semaine, le Premier Ministre Stephen Harper accueillera son homologue français, Jean-Marc Ayrault, qui fera sa première visite au Canada depuis sa prise de fonction en mai dernier. Leur entretien sera l’occasion pour Ottawa d’informer Paris sur la manière de procéder avec le Hezbollah.

Le Hezbollah a plusieurs fois tenté de fournir un appui financier et logistique depuis le Canada. Heureusement, les autorités et les services de renseignements canadiens ont pris la menace très au sérieux.

Le Canada a banni le Hezbollah en 2002 ce qui n’est pas le cas de la France et de l’Union européenne. En effet, la France reste ardemment opposée à interdire le Hezbollah de son territoire.

Cependant, les récents évènements en Europe pourraient faire changer la donne. Les conclusions du rapport Bulgare ont démontré que le Hezbollah était le responsable de l’attentat de Bourgas en juillet dernier qui a couté la vie à 5 israéliens et au chauffeur bulgare.

Le Hezbollah est actif en Europe depuis sa fondation dans les années 80 et est engagé dans une longue série d’attentats sur le continent européen. Mais pendant que ce dernier continuait à lever des fonds, fournissait des armes et un appui logistique depuis l’Europe pour d’autres attaques, cela faisait des années qu’aucun attentat n’avait été commis sur le sol européen. Cela a été chose faite avec l’attentat de Bourgas en 2012.

Pendant ce temps, à Chypre, la police a arrêté un homme suspecté d’être un membre du Hezbollah qui collectait des informations sur des touristes israéliens arrivés à Chypre dans des conditions  tristement semblables que les six personnes assassinées quelques jours plus tôt en Bulgarie.  Le suspect a d’abord nié les liens qu’on lui prêtait avec l’organisation terroriste, mais a finalement avoué appartenir au Hezbollah.

Avant de l’envoyer en mission à Chypre, le Hezbollah l’avait utilisé comme coursier, délivrant les messages aux autres membres du Hezbollah en place en Turquie, aux Pays-Bas et en France.

Ce que fait le Hezbollah en Europe n’est pas surprenant. Le Hezbollah a maintenu des réseaux en Europe pendant plus de 30 ans.

En effet, la première attaque recensée du Hezbollah fut en 1983 – la même année, le Hezbollah bombardait les troupes françaises, italiennes et américaines à Beyrouth – quand l’organisation du Jihad islamique du Hezbollah clamait sa responsabilité pour les bombes placées dans un gare à bord du train Paris-Marseille.

Ont suivi par la suite en 1984 le détournement du vol TWA 847 en provenance d’Athènes vers Rome et l’arrestation à Zurich d’un membre du Hezbollah qui portait des explosifs dans une ceinture de tissu autour de sa taille. Ce dernier était en route pour Rome où deux semaines plus tard les autorités italiennes démantèleront une cellule terroriste du Hezbollah.

L’année 1985 à quant à elle était le théâtre d’attentats en Espagne, en France et au Danemark.

Entre décembre 1985 et septembre 1986, le Hezbollah a utilisé des noms de couverture pour bombarder 15 cibles à Paris. La cellule parisienne fut démantelée seulement après que les autorités allemandes aient stoppé Mohammad Ali Hamadi – un des preneurs d’otages de l’avion de la TWA – qui fut arrêté à l’aéroport de Francfort transportant des explosifs pour Paris.

Plusieurs arrestations ont suivi en Allemagne et notamment l’arrestation de Bassem Makki en 1989 qui préparait une attaque contre les intérêts américains et israéliens sur le sol allemand.

Au cours des prochaines années, des membres du Hezbollah et des tueurs à gages iraniens ont assassiné des dissidents au régime iranien à travers l’Europe.

Dans les années 90, le Hezbollah fonda une unité spéciale, l’unité 1800, qui s’engagea à aider les groupes terroristes palestiniens en infiltrant ses propres membres en Israël pour recueillir des renseignements et commettre des attentats terroristes à l’intérieur des frontières d’Israël.

Le Hezbollah a infiltré quelques membres en Israël à travers l’Asie du Sud mais l’Europe demeurait la porte d’entrée préférée pour Israël.

Des membres, tel que Hussein Mikdad, qui étaient des citoyens libanais voyageaient avec des faux documents.

D’autres, tel que Stéphane Smyrek, un allemand converti à l’Islam, ou Jihad Shuman, citoyen britannique, voyageaient vers Israël à travers l’Europe avec leurs passeports européens.

Plus récemment, une enquête du FBI a révélé que le Hezbollah faisait appel à des faussaires pour contrefaire de la monnaie. Une autre enquête a révélé que le Hezbollah prévoyait de blanchir le fruit des ses vols commis autour du monde et notamment plus de 2 M $ de Couronnes suédoises volées.

Une autre affaire concernait une  citoyen libano-allemand qui utilisait son entreprise d’import-export slovaque pour se procurer des armes, notamment des lance-roquettes anti-aériens, pour le Hezbollah.

Etant donné que le Hezbollah a une longue et sordide histoire en Europe, et que ce dernier continue ses opérations terroristes en Europe, que faut-il à l’Union Européenne pour l’inscrire sur la liste des organisations terroristes ?

L’été dernier, le Premier Ministre chypriote a promis que « s’il y avait des preuves tangibles que le Hezbollah se livrait à des actes terroristes, l’Union Européenne devrait sérieusement envisager de l’inscrire sur la liste des organisations terroristes ».

Maintenant, les preuves sont là : les terroristes de Bourgas ont voyagé par la Roumanie et la Pologne et l’accusé de Chypre à travers la France et les Pays-Bas.

Pourtant contrairement aux Pays-Bas et au Canada, qui ont désigné le Hezbollah comme une organisation terroriste et ont contrecarré leurs activités terroristes, la France, en ne suivant pas l’exemple, protège de manière efficace toute action significative européenne.

Peut-être que M. Harper aura l’occasion de convaincre  son homologue français sur cette importante question.

Par Matthew Levitt – Direction en charge des questions terroristes du Washington Institute.

Source : The National Post