Tribune publiée dans le Huffington Post: Ne perdons pas la raison, pour une clarté morale

Par Simone Rodan-Benzaquen, directrice d’AJC France

Il suffit que le mot Israël soit prononcé pour faire perdre la raison à certains. A la lecture d’articles dans les médias français et à l’écoute de quelques déclarations politiques depuis le début des violences qui opposent Israël au Hamas, je finis par perdre la raison. Effectivement il est étrange de constater à quel point nous sommes parfois témoins d’un manque de ce que l’on pourrait appeler la « clarté morale ».

 
Quand certains mettent sur le même plan le Hamas et Israël ou pire encore quand d’autres évoquent une sorte de conspiration du Premier Ministre israélien ayant « provoqué » cette guerre pour gagner les élections législatives israéliennes (sachant que tous les sondages ont depuis des mois donné Benjamin Netanyahou gagnant), il me semble que l’on peut aisément parler d’une « perte de raison ». Replaçons quelque peu les choses dans leur contexte.

Pour commencer, après des années de négociations vaines et infructueuses, Israël a en 2005 unilatéralement quitté la bande Gaza, laissant l’entière gestion de ce territoire à l’Autorité Palestinienne. Depuis ce désengagement unilatéral, il n’y a plus aucune présence militaire israélienne à Gaza.   En juin 2007, après des mois de combats violents avec leur frères palestiniens, le Hamas s’est emparé du pouvoir par la force à Gaza, évinçant totalement le Fatah. Depuis le Hamas fait de sa charte la base pour un projet de société, j’entends par là l’instauration de la charia, l’appel au meurtre des juifs et des mécréants et la libération de « toute » la Palestine. Depuis, le Hamas fait régner la terreur sans précédent sur les populations civiles israéliennes et palestiniennes. Ce n’est pas sans raison que le Hamas est placée sur la liste des organisations terroristes par les Etats Unis et l’Union Européenne. Méprisant la valeur de la vie jusqu’à se servir de familles palestiniennes entières comme bouclier humain, régnant d’une main de plomb sur Gaza et terrorisant plus d’un million de civils israéliens, le Hamas démontre un peu plus au quotidien jusqu’où il peut aller pour imposer à tous son idéologie haineuse. Parfois Israël fut accusé d’étouffer Gaza par son blocus. Pourtant il est dans l’intérêt d’Israël que la bande de Gaza soit pacifiée et prospère. La levée du blocus ne fait aucun doute en cas de volonté pacifique venant du Hamas et ce en stoppant ses agressions et celles d’autres organisations dont Israël est la cible au quotidien. Mais depuis 2007 malheureusement nous avons assisté au scénario opposé: des centaines, des milliers d’armes ont été passées en contrebande par des tunnels reliant l’Egypte et la bande de Gaza, devenue la rampe de lancement de milliers de roquettes. Ce sont ces roquettes, qui depuis janvier 2011 ont été utilisées contre la population civile du Sud d’Israël et qui ont débouché à une intensification majeure du nombre d’attaques, effectivement plus de 1100 tirs de roquettes ont eu lieu depuis le 14 novembre 2012. Les provocations quotidiennes sont une stratégie délibérée du Hamas pour provoquer une réponse, d’un état démocratique dans l’obligation de protéger ses populations civiles. On peut dès lors se poser la question de la pertinence des réactions israéliennes. Pour autant, quel autre Etat dans le monde aurait accepté une telle situation? Quel peuple pourrait supporter cette menace incessante sans réagir? Quelle serait la réaction de la France si l’Allemagne ou la Belgique l’agressaient quotidiennement en tirant des roquettes sur ses populations civiles ?

Une question s’impose à nous, à savoir quelles motivations animent le Hamas dans cette intensification des tirs de roquettes depuis le 14 novembre?
 
Je pense qu’il existe trois théories qui ensemble, forment une réponse logique et cohérente:
 

    • Tout d’abord, l’Autorité palestinienne a été bien plus efficace que le Hamas. La Cisjordanie, malgré des difficultés financières prospère contrairement à Gaza où la grogne contre le Hamas commence à se faire entendre. Le projet même si contreproductif et futile de l’acceptation de la Palestine comme état membre observateur par l’Assemblée Générale des Nations Unis a fait peur au Hamas. Le Hamas a été forcé de quitter son siège à Damas, et l’avènement d’un gouvernement issu des Frères musulmans en Egypte n’a pas eu l’effet attendu pour le Hamas pourtant affilié au mouvement. La frontière est encore largement fermée et pire encore, les Egyptiens sont en train de détruire les tunnels de contrebande, source de revenus pour le Hamas et de marchandises pour les Gazaouis. C’est ainsi une des raisons pour lesquelles le Hamas a peut-être voulu revenir sur le devant de la scène, afin de rappeler aux gens que, pendant que l’autorité palestinienne parle, lui agit.
    • Deuxièmement, la identité même du Hamas est d’être une organisation terroriste. J’entends par là que le chef du Hamas puise sa gloire et sa légitimité dans sa volonté farouche de combattre et de tuer Israël et le juifs. La situation de calme relatif depuis le dernier conflit avec Israël en 2009 ne représente non seulement aucun intérêt, mais un problème pour les dirigeants du Hamas. Ils savent qu’ils risquent de perdre la loyauté de beaucoup de jeunes hommes dans la bande de Gaza au détriment d’autres groupuscules, plus actifs encore si cela continue trop longtemps. C’est pour cette raison qu’ils ont décidé de provoquer un nouveau conflit.
    • Et troisièmement, l’aspect le plus important surement, la volonté du Hamas de diviser Israël, confondant ainsi le débat interne qui secoue la société israélienne et une refonte de son système sociale et l’unité nationale en temps de guerre… Et ce tout en espérant que le monde condamnerait Israël pour sa réaction défensive, comme il a plu le faire dans un premier temps en 2009.

Il me semble que, malheureusement, certains médias et certains acteurs politiques sont tombés dans le piège du Hamas faisant preuve d’un manque de rationalité flagrante, incapables de voir ce conflit autrement que par le prisme de leur propres imaginaires et de leurs histoires nationales, l’utilisant comme une psychothérapie facile au détriment de la vérité. Pourtant souvent eux ont été aux abonnés absents lorsqu’il s’agissait d’autres conflits, de « vraies massacres » comme en Syrie, en Lybie ou avant au encore au Darfour. Il suffit que le mot « Israël » soit prononcé pour qu’une horde « d’indignés » se manifeste. Heureusement un certain nombre de leaders, des États-Unis au Canada, en passant par la Grande-Bretagne et l’Allemagne, ont immédiatement fait preuve d’une clarté morale sans failles, distinguant l’agresseur, le Hamas, et la victime, Israël. Hier la déclaration du Conseil de l’Union Européenne a également justement « condamné avec force les attaques à la roquette depuis Gaza sur Israël, exigeant du Hamas et des autres milices qu’ils cessent immédiatement l’agression. Il ne peut y avoir de justification à viser délibérément des civils innocents. Israël a le droit de protéger sa population de ce genre d’attaques. »

Espérons que plus de médias et leaders sauront faire preuve de cette clarté morale. Car nous n’aidons personne en faisant preuve d’un flou et d’un mélange des genres nauséabond. Ni les israéliens, ni les palestiniens et certainement pas le monde occidental n’en sortiront grandis.